Marché EHPAD 2023 : les chiffres clés
Sous le feu des projecteurs en 2022, le secteur de la dépendance en France est à la fois un secteur économiquement clé mais aussi un secteur à fort enjeu social. La raison en est simple, la France est engagée dans un processus de vieillissement important de sa population. Ce mouvement inéluctable entraine de facto des réflexions autour de la prise en charge de la dépendance qui survient à partir de 75 ans.
Comme beaucoup d’autres secteurs en France (cf hôpital public), le secteur de la dépendance est aujourd’hui « en tension ». Pour comprendre cette situation, nous vous proposons un état des lieux précis et chiffré des capacités d’accueil (EHPAD) et des besoins actuels et à venir.
Une offre en hébergement EHPAD très largement déficitaire
Rappelons tout d’abord que les établissements d’hébergement pour personnes âgées dépendantes (EHPAD) sont les seules infrastructures en France légalement habilitées à accueillir et accompagner des personnes âgées en état de dépendance (physique ou psychique). Ce sont des structures d’hébergement médicalisées dans lesquelles un personnel spécialisé (médecin coordonnateur, infirmiers diplômés d'Etat, psychologue, aides-soignants) dispense des soins médicaux et paramédicaux.
Il existe souvent une confusion entre les EHPAD et les résidences services « senior ». Ces dernières sont destinées à recevoir exclusivement des résidents valides et autonomes. Aucuns soins médicaux ne peuvent être dispensés dans les résidences « senior ». Elles ne sont donc aucunement une alternative aux EHPAD et à la prise en charge de la dépendance.
Des capacités d'accueil en EHPAD ne répondant qu'à 10% des besoins potentiels
Légalement, la perte d’autonomie est reconnue dès l’âge de 60 ans. Dans les faits, les personnes intègrent un établissement d’hébergement pour personnes âgées dépendantes (EHPAD) à partir de 75 ans.
Selon les derniers chiffres de l’INSEE publiés au 1er janvier 2022, la France comptait 6 650 289 personnes ayant plus de 75 ans. La tranche de population la plus exposée à la dépendance représente donc à ce jour 10% de la population totale française.
En termes d’infrastructures, le France compte actuellement près de 7 353 établissements de type EHPAD (représentant 596 000 lits). 24% de ces établissements sont privés et gérés par des gestionnaires reconnus comme Orpéa, DomusVi ou Korian (45% des autres établissements sont publics et 31% de type associatif).
Ramenées à la population concernée par la dépendance (les plus de 75 ans), les infrastructures actuelles de type EHPAD peuvent donc absorber au mieux 10% des besoins potentiels…
Un déficit d'établissements EHPAD important aujourd’hui, et demain ?
Une chose est certaine, le mouvement de vieillissement de la population est inéluctable en France (on parle de « croissance grise » de la population).
Selon les différentes projections de l’INSEE, la population française va peu augmenter en nombre mais surtout vieillir (conséquence entre autres de l'effet « baby-boom » et du rallongement de l’espérance de vie).
A titre de repère, la France compte aujourd’hui 67.8 millions d’habitants contre 68.1 millions d’habitants prévu en 2070…L’évolution en nombre d’habitants est donc très faible mais c’est bien la pyramide des âges qui va connaître de grands changements.
Et c’est précisément la tranche d’âge des plus de 75 ans (celle qui est concernée par la survenance de la dépendance) qui va progresser la plus fortement. Cette tranche d’âge va connaître une augmentation de 5.7 millions de personnes.
La question qui se pose désormais est la suivante : les infrastructures de type EHPAD (qui sont les seules en France à être adaptées pour la prise en charge et le traitement de la dépendance chez les personnes âgées) pourront-elle absorber cette nouvelle population vieillissante ?
La réponse est à l’évidence négative dans la mesure où l’offre actuelle en hébergement de type EHPAD est déjà largement déficitaire.
Mais ce déficit d’infrastructures va probablement s’aggraver rapidement au regard du faible nombre de nouveaux établissements ouverts ces dernières années (moins de 200 nouveaux établissements EHPAD sur les 4 dernières années…).
Selon une étude de la DRESS (Direction de la recherche, des études, de l’évaluation et des statistiques), il faudrait pouvoir accueillir 108 000 personnes âgées supplémentaires en établissement d’ici 2030. Cela représente donc plus de 1 000 nouveaux établissements d’ici 2030 alors même que moins de 200 établissements ont été créés sur les 4 dernières années…Le défi semble donc parfaitement irréalisable.
Quelles autres solutions d’hébergement pour accueillir les personnes âgées dépendantes ?
A l’orée des chiffres et des projections, il est évident que l’offre en EHPAD ne sera jamais suffisante pour couvrir les besoins et attentes. Toutes les personnes dépendantes ne pourront pas intégrer un EHPAD, c’est une réalité…Passé ce constat, les pouvoirs publics explorent différentes pistes « complémentaires » à la prise en charge en EHPAD.
L’une de ces pistes consiste à retarder au maximum la survenance de la dépendance grâce à des établissements « adaptés à la vieillesse ». Nous ne serions donc pas dans une prise en charge de la dépendance (qui arrivera inexorablement) mais uniquement dans un accompagnement des personnes valides et suffisamment autonomes. On voit ainsi se développer depuis quelques années des résidences publiques dite autonomes (ex foyers-logements) ou des résidence privées de type « senior ». Il faut toutefois relativiser le développement de ce marché dans la mesure où les français eux-mêmes ne sont pas encore prêts à les intégrer. Dans un baromètre récent commandé par la DRESS (Direction de la recherche, des études, de l’évaluation et des statistiques), 66% des 65 ans et plus estiment en effet préférer le maintien à domicile plutôt qu'intégrer des établissements de type résidence "senior" ou autonome.
En outre, ces résidences ne peuvent pas accueillir et prendre en charge des personnes âgées dépendantes....Elles ne sont ni habilitées légalement à le faire, ni médicalisées et ne disposent d’aucun personnel médical dédié.
Autre piste explorée, le maintien à domicile des personnes dépendantes…Mais qui assistera nos aînés dans les actes de la vie quotidienne et prodiguera les soins médicaux nécessaires ? Les infirmiers ? Les aides à domicile ? Les familles ? Cette piste ne semble pas à la hauteur des enjeux.
Conclusion
En conclusion, même si l’offre en EHPAD est limitée, elle est aujourd’hui la seule et l’unique qui répond à la prise en charge de la dépendance de nos aînés. Un marché où la demande est très largement supérieure à l’offre est un marché « en tension ». Il est fort probable que la création de nouveaux EHPAD (et l’ouverture de nouveaux lits) restera limitée à l’avenir.
Dans ce contexte, le parc existant devient un vrai potentiel à optimiser pour les opérateurs du secteur (privé comme public). Comment optimiser et continuer à se développer à partir d’un parc existant ? Certains opérateurs privés (DomusVi, Orpéa, Korian) ont déjà compris la nécessité de rénover leurs établissements, de racheter d'autres établissements ou encore d’envisager des extensions d'établissements existants.